Confiné en Californie, Alain Mabanckou déclare le 9 avril 2020 au site québécois ledevoir* : “Nous venons d’un continent où la parole n’a pas été lâchée. Les écrivains africains, malheureusement ou heureusement, ont pour mission de témoigner de ces cultures qui n’ont pas été notées dans le grand livre de l’Histoire du monde”.
Pour Alain Mabanckou, la Francophonie (désignant l’organisation politique et instances officielles) est depuis trop longtemps complaisante envers les nombreux régimes autocratiques africains ; Congo-Brazzaville, Togo, Cameroun, Gabon. “Le président français reçoit tous ces dictateurs dans son palais, sans jamais dire un mot”, insiste Alain Mabanckou, dénonçant les hypocrisies d’une institution vieillotte, relevant d’un “paternalisme colonial”. L’écrivain ajoute : “Même culturellement, on a toujours l’impression que la francophonie ne concerne que les anciens pays colonisés par la France et jamais la France elle-même”. Et Alain Mabanckou de souligner : “dans l’espace anglophone, on n’a jamais dissocié la littérature anglaise de la littérature dite anglophone”. Il prend pour exemple la Nigériane Chimamanga Ngozi Adichie ou le Britannique d’origine pakistanaise Hanif Kureishi : « Ce sont des écrivains qui sont reconnus en tant qu’écrivains et non pas en tant qu’auteurs qui seraient là pour la défense de la langue”.
Pour Alain Mabanckou la littérature francophone “impose aux écrivains la mission de défendre une langue, or ils ne sont pas là pour ça !” explique-t-il. Il ajoute ; “Alors que pour les écrivains de langue anglaise, la langue est avant tout un instrument qui leur permet d’exprimer leur vision du monde. Pas une forme d’engagement. Nous croyons qu’il est important de montrer la richesse du continent africain, que la littérature peut et devrait exister même sans la langue française”.