
Dans un monde où l’héritage colonial continue de façonner les réalités sociales, économiques et symboliques, il est urgent de faire vivre la mémoire de la traite et de l’esclavage, non pas comme un passé clos, mais comme un héritage présent. C’est dans cet esprit qu’a eu lieu la rencontre-conférence organisée le 13 mai par la Maison de l’Afrique à Nantes, en partenariat avec Hetsika et avec le soutien de Nantes Métropole.
À l’occasion des commémorations du 10 mai, journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions, cet événement a rassemblé une centaine de personnes à la Maison de quartier des Dervallières. Un public attentif, intergénérationnel, venu écouter, comprendre, débattre — mais aussi ressentir.
Une rencontre habitée, portée par les voix puissantes des intervenants au public
Engagé et incontournable : les mots clés de la Rencontre-Conférence Esclavage : enjeux d’un héritage présent ce mardi dernier, 13 mai à la Maison de quartier des Dervallières. Organisée par la Maison de l’Afrique à Nantes et Hetsika dans le cadre de la Journée Nationale de la Mémoire de l’esclavage, des traites et de leurs abolitions de la Ville et de la Métropole de Nantes.
Modérée avec sensibilité et précision par Paula Anacaona, autrice, fondatrice et éditrice aux éditions Anacaona, la discussion a donné la parole à trois intervenant·es majeurs, dont les approches croisées ont permis de penser la mémoire de l’esclavage dans toute sa complexité.
Les intervenants de l’édition 2025 ont présenté chacun leurs différentes expériences artistiques et scientifiques autour de la thématique, allant de la littérature à l’histoire, passant par la chorégraphie et la danse, dans un souci de faciliter l’approche au thème et lancer un débat avec le public.
Jean-Luc Raharimanana, poète, auteur et metteur en scène, a exposé l’importance des lexiques pour la compréhension actuelle des conséquences de la colonisation et de l’esclavage encore visibles dans notre société, soit à Madagascar et d’autres îles d’Afrique, soit en France, et le rôle de la littérature dans la réappropriation des récits. Ces nuances sont abordées par une prose poétique engagée dans son œuvre Nour 1947 où une espèce d’hymne au corps africain est entonné.
Mettre le corps au service de l’expression de la résistance politique, c’est ce que propose la chorégraphe et danseuse Gwen Rakotovao dans le spectacle Mitsangana, mis en scène par Raharimanana. De la jonction de la pensée habile de l’écrivain au son enjoué d’un accordéon avec la mouvance corporelle contemporaine libre et précise naît ce combat qui signifie “Lève-toi” en malgache. Mitsangana explore la transmission des mémoires traumatiques à travers du corps comme archive vivante entre héritage et renaissance.
Antônio de Almeida Mendes, historien à l’Université de Nantes, a livré une analyse des mécanismes de la traite négrière atlantique. Il a rappelé que l’esclavage n’est pas une histoire lointaine et que le décryptage des chiffres doit se faire dans le soutien des contextes, avec la responsabilité d’humaniser les différentes personnes. Comment pouvons-nous penser la ville de Nantes considérant son passé esclavagiste, de port de déportation, de l’objectification et la marchandisation des corps africains, c’est l’une des questions interpellées par l’historien et spécialiste du thème.
La modératrice Paula Anacaona a rappelé l’importance de parler du Brésil quand le sujet est l’esclavage puisque ce pays a reçu la plus grande quantité d’africains au monde, environ 5 millions d’individus, depuis le XVIe siècle.
Parmi le public, Djazoup-Djaze Ngapa doyen de la Maison de l’Afrique à Nantes a évoqué les luttes et conquêtes locales, comme le Mémorial de l’Abolition de l’Escalvage à Nantes, inauguré en 25 mars 2012 dans ce qui fut l’un des principaux ports négriers de France, constituant un monument unique dans le pays. Ngapa a averti sur le fait de l’appellation du cadre dans lequel la rencontre s’inscrit : “les commémorations du 10 mai s’agit de la journée nationale des mémoires de la traite, de l’esclavage et de leurs abolitions”.
Diffusée en direct par Radio Web Alizé, l’événement a compté avec Aurélie de l’émission Chroniques d’une cité négrière animée par Orelle & Clé chez Prun’ qui a pu échanger avec les intervenants quelques minutes avant la rencontre. Les échanges seront diffusés dans son émission, lundi, à 19h.
Un Espace Librairie a offert au public les récits les plus divers spécialement choisis par trois acteurs majeurs : Une sélection d’œuvres malgaches faite par Hetsika, partageant l’espace avec La Géothèque et ses ouvrages des mondes africains et le voyage, et avec les éditions Anacaona et ses publications par des femmes brésiliennes engagées.
La Maison de l’Afrique à Nantes et Hetsika, représentés par leurs respectives président.es, Mariam Sao et Vonjy Andianatoandro, en partenariat avec la Maison de quartier des Dervallières ont invité tous ceux qui étaient présents à un pot francophone, en clôturant la soirée et célébrant ce moment convivial.
Ce vendredi 16 mai, à 18h30, est prévue une restitution ouverte au public de la résidence du spectacle Mitsangana avec la Chorégraphe et danseuse en solo Gwen Rakotovao, mise en scène par Raharimanana, à la Maison de quartier des Dervallières.